L'Imâm Alî guide vers la libération selon Alî Shariati (m. 1975)
L'Imâm Alî guide vers la libération selon Alî Shariati (m. 1975)
Texte extrait de Construire l'identité révolutionnaire (Bina' al-dhat al-thawriyyah) traduit de l'Arabe par Raghiba Ousserain aux éditions al-Bouraq (pp. 24-27
بسم الله الرحمن الرحيم
اللهم صل على محمد وآل محمد
L'Imâm Alî – que sa grâce et sa paix soient sur nous – est le Père des Orphelins
L'intellectuel iranien Ali Shariati (m. 1975) – que Dieu lui fasse miséricorde – écrit dans Construire l'identité révolutionnaire, pp. 24-27 (éd. al-Bouraq) :
« ...Si notre penseur vit en Orient et veut entreprendre la même expérience [celle de trouver un guide pour son auto-édification], il aura la chance de pouvoir se référer dans ce domaine à davantage d'exemples que son confrère occidental car il a : Bouddha [1] le prophète non-envoyé pour la liberté de l'essence humaine, al-Hallâj [2], l'océan volcanique dont les vagues se soulèvent des tréfonds et Mazdak [3], l'homme qui a libéré les bienfaits de la vie de la prison de la propriété, mille deux cent ans avant Marx et la révolution industrielle, le travail à la chaîne et la machine à vapeur. Il a mené la lutte contre l'amoncellement des biens et le mariage par l'alliance des Cyrus [4] et des hommes de religion. Parmi les épisodes de cette lutte s'étend le jardin du martyr, jardin effroyable où furent plantées dans la terre vingt mille têtes d'Iraniens, ces « arbres » sacrés qui portèrent leurs fruits dans l'Islam.
Mais si le penseur est musulman et qui plus est pratiquant, il n'aura nul besoin de faire un mélange de ces trois personnalités pour obtenir un dirigeant car il a déjà l'Imâm Alî, alayhi salâm, qui fut plus sensible que Mazdak et plus révolutionnaire que Marx et qui a ainsi vécu, détestant et s'opposant aux puissants. Sa sympathie pour les déshérités était grande au point de dire au sujet de ce que 'Uthmân avait pris dans le trésor public : « Par Dieu si je le prends à se marier (avec cet argent) ou à acheter un esclave, je le combattrai car la justice est sans limite, et celui qui s'y sent à l'étroit est plus à l'étroit encore quand il opprime. » [5] Cette âme, dont la colère s'accentuait en présence d'une injustice était magnifique. Le jour où il apprit que ses ennemis avaient mené une incursion sur un territoire placé sous son autorité et qu'ils avaient porté préjudice à une femme juive, qui était sous la protection de son gouvernement, il monta sur la chaire, en colère, criant : « Si un musulman avait été tué, nul n'aurait été à blâmer car pour moi, cela aurait été mérité. » Comme si la douleur l'avait giflé, et comme s'il ne pouvait supporter le poids de cette injustice, et devait rendre l'âme - car l'Imâm Alî, alayhi salâm, a vécu comme ont vécu les pauvres (alors qu'il était dirigeant de l'empire le plus grandiose) au point de ressentir la douleur de ceux qui étaient les plus pauvres sous son gouvernement. C'est le même Imâm Alî, alayhi salâm, qui réprimanda Maytham al-Tammâr, son ami le plus proche, lorsqu'il l'a vu tirer les dattes avariées de celles en bon état, pour les vendre séparément. Il lui ordonna alors de les mélanger et de les vendre telles quelles à un prix moyen. Que voulait signifier l'Imâm, alayhi salâm ? Comment interpréter sa colère ? Il voulait dire : de quel droit fais-tu des différences entre les gens ? Il se mit à mélanger les dattes lui-même. Il ne croyait pas seulement dans le "à chacun selon son travail" ou à l'égalité de la propriété et des moyens de production ; il nous a transmis une conception plus élevée du système socialiste qui est l'égalité dans la consommation.
Quant au respect des droits de l'homme et de la liberté de penser, l'Imâm Alî, alayhi salâm, excellait à un très haut degré : quand il priait, il ne s'impatientait pas, quand les kharijites [6] et ses ennemis les plus déclarés le dérangeaient ; quand il faisait un sermon ils pouvaient même l'interrompre et se moquer de lui. Même au sommet de sa puissance et de sa force, il n'a jamais porté le moindre préjudice à quiconque. Il était l'homme qui dominait le plus vaste territoire du monde, sans avoir ni de prison politique, ni de prisonnier politique et sans avoir jamais assassiné d'opposants politiques. Lorsque Talha et Zubyar [7], des personnalités puissantes des plus dangereuses qui complotaient contre son régime vinrent à lui, réclamer d'être envoyés loin de sa surveillance, bien qu'il savait qu'ils souhaitaient s'éloigner pour fomenter un grave complot, il leur permit de partir, car il ne souhaitait pas légiférer contre les tyrans et les puissants, piétinant par une loi la liberté de l'homme pour des motifs politiques.
Quant à la passion et au sentiment gnostique et soufi d'al-Hallaj, cela n'était que de la cendre froide comparée au volcan de l'existence de l'Imâm Alî, alayhi salâm. Avec une telle essence, il ressentait avec anxiété la douleur de son existence de sorte que son âme, qui s'est élevée vers des hauteurs que même notre imagination ne peut atteindre, ressentait la défaillance de son retard, de sa faiblesse et de son hésitation dans la substance de son existence. Lors de ses prières nocturnes, dans ses retraites, là où se manifeste la sincérité limpide de l'essence humaine, il louait Dieu le Très-Haut disant : « Combien de fautes as-Tu éparpillées et combien d'éloges dans lesquelles je ne me retrouves pas et que je ne mérites pas as-Tu mis dans la bouche des créatures, combien de vilains actes as-Tu caché loin de leur regard ? ».
Par cette conception, la question du chemin à prendre devient clair. En choisissant notre route, nous n'avons pas choisi celle suivie par d'autres ou les routes secondaires qu'ils nous ont indiqué ou celles sur lesquelles nous nous assoupirons en écoutant la radio. Nous ne sommes pas non plus tombés dans le piège de l'imaginaire des penseurs, ni n'avons fait notre conception philosophique des savants de la cité idéale, ni les insinuations soufies. Nous avons découvert la route la plus droite, celle qui distingue l'avancée historique de l'essence humaine vers la perfection. Certes par ce regard deviennent claires tant l'immensité dé la question que la mesure de l'écart entre cette magnifique route et les ruelles étroites et sombres aux murs élevés, mais aussi parfois recouvertes de plafonds qui séparent ceux qui les empruntent des autres routes et leur dissimulent l'horizon. »
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[1] Surnom donné à un prince (-480 av. J-C - 400 av. J-C) du Népal de la tribu des Sakyas. Il quitta le palais royal en quête de vérité. Après un long parcours, il finit par élaborer une philosophie plus qu'une religion. Il prêchait que toute vie est douleur et enseignait la manière de s'en libérer en huit stations. Sa pensée s'appuie essentiellement sur le renoncement au monde matériel, oubli de soi et compassion infinie envers tous les êtres. (ndt)
[2] Il s'agit d'al-Hussein b. Mansûr al-Hallâj, imposant martyr du soufisme, qui fut accusé de mécréance et d'avoir prêché l'incarnation. Il fut mis à mort à Baghdâd en 309 h. / 922 ap. J-C. (ndt)
[3] Religieux iranien du Vème siècle, zoroastrien, réforme le manichéisme et prêche une philosophie égalitaire et communautaire contre la société des castes et le fondamentalisme religieux. (ndt)
[4] Nom de plusieurs membres de la dynastie achéménides installée de -700 av. J-C jusqu'à la conquête d'Alexandre (-330 av. J-C) sur une grande partie de l'Asie mineure. (ndt)
[5] Nahj al-Balâgha, sermon n° 15 (note de l'auteur)
[6] Terme qualifiant certains partisans de l'Imâm Alî, alayhi salâm, qui le quittèrent en 657 à la bataille de Siffîn suite à la décision de l'Imâm, alayhi salâm, d'accepter un arbitrage politique entre lui et Mu'âwiya, alors usurpateur du pouvoir à Damas. D'ailleurs, l'Imâm Alî, alayhi salâm, fut assassiné par un kharijite car ils n'acceptèrent jamais cette décision de l'Imâm. (ndt)
[7] Talha se distingua notamment lors de la bataille d'Ohod au cours de laquelle il fut blessé tandis qu'il protégeait le Prophète. En revanche, lorsque le Messager, salallahu 'alayhi wa âlih, rendit l'âme, les luttes de pouvoir s'accentuèrent. Déçu qu'on privilégia l'Imâm Alî, alayhi salâm, pour le quatrième califat, il prit parti contre lui et lui livra bataille, soutenu par Zubayr et A'isha (jeune veuve de Mohammad, sallallâhu 'alayhi wa alih). Ils furent cependant mis en déroute lors de cet affrontement. Cette défaite, cahrgée de conséquences politiques, historiques et religeuses, entraîna la mort de Talha et peut être définie comme la première scission en Islâm (Fitna). (ndt)
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Ô Allah prie sur Mohammad et la famille de Mohammad, et hâte leur soulagement !
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