Dieu n'est connu qu'à Travers Lui-même : Quatrième partie, commentaire du hadîth n°4
Dieu n'est Connu qu'à travers Lui-même
Introduction, commentaire et traduction du chapitre 41 du Kitâb al-Tawhîd de shaykh al-Saduq (m. 380/991) intitulé « Il [Dieu], l'Exalté Majestueux, n'est pas connu sauf par Lui-même »
اللهمّ صلّ على محمّد وآل محمّد
– Introduction à la quatrième partie :
Dans la troisième partie (disponible ici), nous avons cherché à analyser les fondements de l'autorité en Islâm, et par quels moyens les Ahl al-bayt nous invitent à distinguer le véridique de l'imposteur parmi ceux qui prétendent à la Prophétie ou à l'Imâmat. Nous avons tout du long tenté de garder un lien avec le fil directeur plus général de notre étude qui concerne la connaissance de Dieu par Dieu.
Nous avons consacré quelques paragraphes au Messager et au critère par lequel le reconnaître, à savoir par son Message. Néanmoins, le plus clair de notre argumentation se concentra à élucider l'identité des 'Ulil-âmr mentionnés dans le Coran (4/59). Pour ce faire, nous sommes partis des critères définis par l'Imâm al-Sâdiq – que la paix soit sur lui –, qui les rapporte de son grand-père l'Imâm Alî – que Dieu ennoblisse sa face !
Ces trois critères : al-ma'rûf, al-'adl et al-ihsân, nous les avons définis, individuellement et les uns par rapport aux autres. Le premier critère, celui du Convenable (al-ma'rûf) se définit directement par rapport à ce qui est connu, réputé comme convenable. Cette connaissance, d'un point de vue islamique, ne peut émerger que du Prophète – que la paix soit sur lui et les siens – qui est le détenteur de la Prophétie Législatrice (al-Nubuwwah al-Tashri'î) par laquelle Dieu instaure les lois, les rites, les croyances exotériques qui devront par la suite être l'objet de l'interprétation ésotérique (ta'wil) des Imâms – que la paix soit sur eux. Le premier critère se rapporte donc directement à la question de la prophétie, puisque le fondement même du Ma'rûf est la Shari'ah du Prophète.
Quant au deuxième critère, celui de la Justice (al-'adl), nous l'avons définit de trois manières. D'une part dans son sens classique d'impartialité et d'équité. D'autre part dans le sens de l'intégrité morale et spirituelle. Enfin, nous l'avons définit comme adaptabilité, capacité à s'adapter à chacun selon son contexte et ses besoins. Pouvoir rendre compte concrètement des circonstances d'une époque et d'un contexte donné, d'un individu à un autre. Or cela nierait-il l'autorité du Prophète et de sa Législation ? Non-pas, mais la Législation divine doit être constamment réinterprétée et réexpliquée par l'Imâm détenteur de l'Ordre, sans quoi elle perd tout enracinement humain. Le deuxième critère se rapporte donc également de manière directe à la question de la prophétie, puisque la fondation et l'apparent sur lesquels doivent se baser les enseignements des Imâms est là encore l'enseignement du Prophète – que la paix et les prières de Dieu soient sur lui et les siens.
Enfin, quant au troisième critère, celui de l'Excellence (al-ihsân), nous l'avons défini comme vision intérieure et intuitive, appréhension immédiate du Divin "car si tu ne Le vois pas Lui te voit", selon le célèbre adage prophétique. Encore une fois, la réalisation (tahaqquq) dont il est question dans ces quelques expressions ne doit pas être pensée indépendamment de la Shari'ah. L'apparent de la Shari'ah est le secret de la Haqiqah, le secret de la Shari'ah est l'apparent de la Haqiqah. Encore une fois nous constatons que ce critère par lequel nous sommes invités par l'Imâm Alî – que sa grâce et sa paix soient sur nous – à reconnaître les véritables 'Ulil-âmr, ou Détenteurs de l'Ordre, est intimement lié à l'enseignement prophétique et à sa Législation.
Ainsi, si l'essentiel de cette précédente partie se concentra à connaître les Imâms – que la paix soit sur eux – à travers ce qui est connu du Saint Prophète Mohammad – que la paix et les prières de Dieu soient sur lui et les siens – ; cette présente partie présentera un renversement de perspective. Dans le hadîth que ce présent article prend pour objet de commentaire, c'est en effet l'Imâm Alî – que Dieu ennoblisse sa face – qui est interrogé sur les modalités de sa connaissance du Prophète par le Patriarche (الجاثليق, le Catholicos) chrétien. « Informe-moi, as-tu connu Dieu par Mohammad ou bien Mohammad par Dieu, l'Exalté Majestueux ? » dit-il, et à l'Imâm – que sa paix soit sur nous – de répondre énigmatiquement « Je n'ai pas connu Dieu par Mohammad, mais j'ai connu Mohammad par Dieu lorsqu'Il le Créa et fit pour lui ses limites de son étendue... ».
Sans trop nous étendre sur le sens de ces paroles que nous aurons à commenter ci-dessous, nous pouvons déjà remarquer quelque chose de tout à fait surprenant : l'Imâm fut témoin de la Création du Prophète, et c'est par le témoignage qu'Il rendit de cette création qu'Il le reconnut comme tel. Or, la création du Prophète – que la paix et les prières de Dieu soient sur lui et les siens – ne saurait référer à sa conception en ce monde par ses parents Amina et Abdallâh – que la paix soit sur eux tous –, ou même à sa naissance. En effet, non-seulement Alî n'était pas né à ce moment là, et n'a donc pas pu être physiquement témoin de cela ; mais plus encore, il est connu que Dieu créa Mohammad bien avant cela, et qu'Il prit l'engagement de Sa prophétie bien avant sa naissance et sa manifestation ; il fut Prophète alors qu'Adam était encore entre l'eau et l'argile. Tous les Prophètes – que la paix soit sur eux – ont été informés de la Prophétie de Mohammad et de l'Imamât d'Alî. Le témoignage dont parle ici l'Imâm Alî – que la paix soit sur lui – ne doit pas être compris comme référant à un moment dans le passé, au sens chronologique du terme. Il parle d'un témoignage qui a lieu dans la pré-éternité, avant même la Création.
Nous citerons à titre de preuve deux traditions provenant des sources shî'ites. Dans ses Basâ'ir al-Darajât (vol. II, chap. 8, ahadîth 1-2) shaykh al-Saffar al-Qummî (m. 903) – que Dieu illumine sa tombe – rapporte d'une chaîne remontant à Mohammad fils de Fudhayl qui dit avoir entendu d'Abû al-Hasân – sur lui la paix – qu'il a dit : « La walayah d'Alî est mentionnée dans les écrits de chaque Prophète, et Dieu n'envoya pas de Prophète sans qu'ils n'acceptent la Prophétie de Mohammad et la walayah de son légataire Alî ». Il rapporte encore, d'une autre chaîne remontant à Abû Sa'id al-Khudrî dit : J'ai entendu le Messager de Dieu – que la paix et les prières de Dieu soient sur lui et les siens – dire : « Ô Alî, Dieu n'envoya pas de Prophète sans qu'il ne le soumette à ta walayah, bon gré mal gré ».
Nous citerons également quelques traditions provenant des sources sunnites. Nous reproduisons à cet effet quelques extraits d'un chapitre des Khasa'is al-Kubrâ d'al-Suyutî (m. 1505). Il rapporte : Selon Ibn Abî Hatim dans son Tafsîr, et Abou Nu'aym dans Al-Dala'il min Turuq d’après Qatada, d’après Al-Hassan, d’après Abū Hurayra, d'après le Prophète, concernant la parole de l'Exalté : « Et quand on exigea une alliance des prophètes, et de toi (Ô Mohammad) et de Noé, d'Abraham, Moïse et Jésus, fils de Marie. Nous avons pris d'eux un engagement solennel » (33/7) Qu'il a dit : « Je fus le premier des Prophètes dans la création, et le dernier envoyé, commençant donc bien avant les autres » Abû Sahl al-Qatan rapporte dans une partie de son Amalî, d’après Sahl fils de Salih al-Hamdānī qui raconte : «J’ai questionné Abu Ja'far Mohammad bin Ali : Comment Moḥammad précéda les prophètes alors qu’il a été le dernier envoyé ? Il dit : En effet quand Allah l’Exalté prit des enfants d’Adam, de leur dos, leur progéniture, et les fit témoigner sur eux-mêmes, en disant : "Ne suis-je pas votre Seigneur ?" (7/172), Moḥammad fut le premier à dire "Certainement" , et c’est pour cette raison qu’il a précédé les Prophètes, même s’il fut le dernier envoyé. » Ahmad rapporte, ainsi que al-Bukhârî dans son Tarikh, de même qu’ al-Tabaranî, al-Hâkim, al-Bayhaqi et Abû Nu’aym et d’après Maysarat al-Fajr qui rapporte : « J’ai dit : "Ô Messager d'Allah, quand es-tu devenu Prophète ?" Il répondit : "Quand Adam était entre l'esprit (rûh) et le corps (jasad)" ». Ahmad, al-Hakim et al-Bayhaqi rapportent, d'après al-'Arabād bin Sariyah qui a dit : « J'ai entendu le Messager d'Allah ﷺ dire : "Je suis pour Allah, dans le Umm al-Kitâb, comme le sceau des prophètes alors qu’Adam était encore dans son argile." » Al-Hakim, Al-Bayhaqi et Abû Nu'aym rapportent, d'après Abû Hurayra qu'il a été demandé au Prophète : « Quand est ce que la prophétie t’as été enjointe ? Il dit : "Entre la création d'Adam et le souffle de l'esprit (rûh) en lui." ». Al-Bazâr rapporte, et al-Tabaranî dans Al-Awsat, ainsi qu’Abu Nu'aym par la voie d'al-Sha’bi, d'après Ibn 'Abbās qui dit : « Il a été demandé : "Ô Messager d'Allah , quand es tu devenu Prophète ?" Il dit : "Quand Adam était entre l'esprit (rûh) et le corps (jasad)" ». Il rapporte encore : d'après Al-Tabaranî et Abû Nu'aym rapportent d’après Abû Maryam al-Ghasani qu'un bédouin demanda au Prophète : « Quelle fut la première étape de ta prophétie ? » Il répondit : "Allah pris de moi l'alliance (pacte) comme Il l’a prise des autres prophètes, l'appel de mon père Ibrāhīm, la bonne nouvelle de Isa et ma mère voyant dans son sommeil une lumière émanant d'entre ses jambes qui illuminait les palais de Shām.".
De toute évidence, ce dont témoigne l'Imâm Alî par ces paroles n'est pas de l'ordre d'une expérience ordinaire qui prit place dans un passé lointain. Le temps dans lequel s'est inscrit sa vision et son témoignage n'a de temporalité que de manière analogique avec la temporalité telle que nous l'expérimentons. Il est un passé mais dont l'antériorité ne se situe pas hier, pas plus qu'il y a des milliards d'années. Ce passé, c'est celui de la virtualité, de la potentialité. Mohammad fut manifesté le dernier parce qu'il fut intentionné en premier.
Par analogie, lorsqu'un couple désire avoir un enfant : le désir de l'enfant se manifeste en premier, et ce n'est qu'au moment où l'enfant naît effectivement et est sain et sauf que le désir d'avoir un enfant est accompli. Et ce n'est que lorsque l'enfant a atteint sa pleine stature, devient un adulte responsable et qu'il atteint la maturité que ses parents peuvent considérer leur responsabilité à son égard accomplie. La volonté divine devait s'accomplir, la Prophétie de Mohammad devait être rendue manifeste. Il fut le dernier des Prophètes parce qu'il fut le premier intentionné, il fut le dernier des Prophètes parce qu'il doit accomplir le Message et la Proclamation de tous les Prophètes pour ouvrir un nouveau cycle. Bonne lecture.
Quatrième hadith : [la question du Patriarche chrétien à l'Imâm Alî – que Sa paix soit sur nous – « As-tu connu Dieu par Mohammad ou bien Mohammad par Dieu, l'Exalté Majestueux ? »]
(4) Abû al-Husayn Mohammad fils d'Ibrahîm fils d'Ishâq al-Fârisî nous a rapporté qu'Ahmad fils d'Ahmad fils de Mohammad Abû Sa'îd al-Nisawî nous a rapporté qu'Abû Nasr Ahmad fils de Mohammad fils d'Abdallâh al-Sughdî a dit que Mohammad fils de Ya'qûb fils d'al-Hakam al-'Askarî et son frère Mu'ah fils de Ya'qûb nous ont dit que Mohammad fils de Sinân al-Hanzalî a dit qu'Abdallâh fils de 'Asim nous a dit qu'Abd al-Rahmân fils de Qays nous a rapporté, et lui d'Abî Hâshim al-Rummanî, sous l'autorité de Zadhan qui dit :
« Salmân le Perse – sur lui la paix – rapporte dans un hadîth long mentionnant la venue du Patriarche à Médine avec cent chrétiens, posant des questions à Abû Bakr auxquelles il ne pouvait pas répondre, jusqu'à ce qu'il leur indique d'aller auprès Commandeur des Croyants Alî fils d'Abî Tâlib – sur Lui la paix.
Il interrogea alors Alî au sujet d'un certain nombre de ses interrogations, et ce dernier répondit à toutes ses objections. Parmi les questions que le Patriarche lui posa, il y avait « Informe-moi, as-tu connu Dieu par Mohammad ou bien Mohammad par Dieu, l'Exalté Majestueux ? ». Alî fils d'Abî Tâlib – sur Lui la paix – répondit :
« Je n'ai pas connu Dieu par Mohammad – que la paix et les prières de Dieu soient sur lui et les siens –, mais j'ai connu Mohammad par Dieu, l'Exalté Majestueux lorsqu'Il le Créa et fit pour lui ses limites de son étendue, ainsi j'ai reconnu, et j'ai su qu'Il était le Planificateur de ce qui est produit par le raisonnement et l'inspiration, de la même manière qu'Il inspira à Ses Anges de Lui obéir et de le Connaître en Lui-même sans assimilation (bi-lâ shabih) ni modalité (bi-lâ kayf). ».
[Le compilateur du livre (i.e. shaykh al-Sadûq) ajoute : Cette tradition est longue, nous reproduisons ici le passage nécessaire. Je l'ai transmise au complet à la fin du livre al-Nubuwwah.] »
Commentaire : C'est par Dieu qu'Alî connut Mohammad, et non par Mohammad qu'Alî connut Dieu.
La scène décrite par Salmân est l'extrait d'un hadîth plus long dans lequel le Patriarche chrétien, le Catholicos, vient à Médine accompagné d'une délégation de cent chrétien en vue de poser des questions à Abû Bakr, probablement sous le califat de ce dernier. Abû Bakr ne parvenant pas à répondre aux questions du Patriarche, il le renvoie vers Alî fils d'Abî Tâlib – que Dieu ennoblisse sa face.
Les questions s'enchaînent, l'Imâm répond aux différentes objections et questions du Patriarche. Ce dernier lui demande « Informe-moi, as-tu connu Dieu par Mohammad ou bien Mohammad par Dieu, l'Exalté Majestueux ? ». Et à l'Imâm de répondre « Je n'ai pas connu Dieu par Mohammad mais j'ai connu Mohammad par Dieu... » (mâ 'araft Allâh bi-Mohammad salla-Llâhu 'alayhi wa-âlih, wa-lakin 'araft Mohammad bi-Llâhi 'azza wa jâl...).
Avant de passer au commentaire du reste de son propos, attardons-nous d'abord un temps sur ces quelques mots. La question du Patriarche posait une alternative : ou bien l'Imâm connait Dieu par Mohammad, ou bien il connaît Mohammad par Dieu. Plutôt que de nier cette alternative, l'Imâm répond positivement en affirmant avoir connu Mohammad par Dieu, et non l'inverse. C'est à travers la reconnaissance de Dieu (ma'rifatu-Llâh) que l'Imâm a reconnu le Saint Prophète – que la paix et les prières de Dieu soient sur lui et les siens –, et non l'inverse.
Cette réponse peut au premier abord choquer ; le Saint Prophète – que la paix et les prières de Dieu soient sur lui – n'est-il pas la Meilleure des Créations de Dieu ? N'est-il pas l'exemple que Dieu fit pour l'humanité toute entière ? N'est-il pas le Prophète qu'il a envoyé à toute l'humanité pour rétablir la véritable religion de Dieu ? Il devrait être celui par lequel l'Imâm Alî – que la paix soit sur lui – a connu Dieu. Mais l'Imâm répond que c'est l'inverse qui est vrai : c'est par Dieu qu'il a connu Mohammad. Dieu, Exalté soit-Il, dit :
Dans chaque chose, la primauté revient à Dieu. L'Imâm Alî – sur lui la paix – ne peut admettre avoir connu Dieu par Mohammad, alors que c'est par Dieu qu'il a témoigné que Mohammad n'était qu'un être humain à l'image des autres êtres humains.
La réponse de l'Imâm Alî : Dieu est connu négativement à travers toute Forme, même la plus excellente Forme qu'est celle du Prophète, car toute forme implique une limitation qu'il convient de nier au sujet de Celui qui n'a point de limites
Puis à l'Imâm – sur lui la paix – de poursuivre sa réponse « mais [plutôt] j'ai connu Mohammad par Dieu, l'Exalté Majestueux lorsqu'Il le Créa et fit pour lui ses limites de son étendue, ainsi j'ai reconnu, et j'ai su qu'Il était le Planificateur de ce qui est produit par le raisonnement et l'inspiration, de la même manière qu'Il inspira à Ses Anges de Lui obéir et de le Connaître en Lui-même sans assimilation (bi-lâ shabih) ni modalité (bi-lâ kayf). ».
1) "J'ai connu Mohammad par Dieu lorsqu'Il le créa et fit pour lui des limites de son étendue..."
Dans cette réponse, l'Imâm témoigne d'un évènement qu'il situe dans le passé. Il dit en effet « j'ai connu Mohammad par Dieu lorsqu'Il le Créa (hîn khalqahu) ». Or, ce passé, comme nous l'avons déjà annoncé dans l'introduction, n'est pas le passé de la durée chronologique. En effet, Dieu étant radicalement transcendant à l'égard de toutes ses créations, et de toutes formes de limitations spatiales ou temporelles, Il ne peut être dit que son acte de créer se situe en un temps déterminé. En effet, l'acte de Création de Dieu est continuel. Il est al-Qayyûm, le Subsistant, Celui depuis lequel chaque chose dérive son propre acte de subsister et d'exister.
Disons encore, pour que Dieu soit al-Khâliq, le Créateur, il faut qu'Il soit le Créateur de Toute-Éternité. Il n'est pas acceptable de considérer qu'un instant quelconque passât sans qu'Il ne soit le Créateur et de cet instant, et de ce qui s'y passât ! De plus, pour qu'un attribut divin accomplisse sa signification positive : il est nécessaire qu'elle soit accomplie en acte. Il ne peut être dit de Dieu qu'Il est le Créateur s'Il ne créé rien, ou n'a pas encore de Création. Ainsi, toutes les fois où le Prophète ou les Imâms – que la paix soit sur eux –, ou Dieu dans le Coran et dans les ahadîth qudsî tels que « J'étais un Trésor Caché et j'ai aimé à être connu alors j'ai Créé afin d'être connu ! », il est impératif de comprendre que l'antériorité dont il est question à ce moment est toute analogique, et qu'elle concerne en réalité une antériorité d'ordre logique et non chronologique.
Cette antériorité, disons-nous, est logique : elle est, en des termes plus clairs, une primauté. L'antériorité qu'a le Créateur sur ce qu'Il crée : c'est une antériorité dans la volonté, dans l'intention, dans la potentialité. C'est aussi une primauté ontologique, en tant qu'Il est Celui duquel toute chose tire son existence tandis qu'Il Subsiste par Lui-même !
L'Imâm – sur lui la paix – poursuit « ...lorsqu'Il le Créa et fit pour lui ses limites de son étendue (wa-uhdath al-hudûd min al-tûl », l'acte de Dieu de Créer (khalaqa) Mohammad consista donc à lui conférer une certaine étendue (tûl) de laquelle il fit ses limites (hudûd). Ce qui distingue le Formateur du Formé, ce sont précisément ces limitations que le Formateur confère à ce qu'Il forme. Dieu est en effet un être absolument inconditionné, n'étant limité par rien, Il ne peut donc être caractérisé par une quelconque étendue. Toute étendue impliquant une certaine limitation qui ne sied pas à l'Essence divine. Il ne peut pas non-plus être qualifié par une quelconque temporalité, comme nous l'avons explicité ci-dessus.
2) Dieu est connu de manière apophatique par la négation des limitations inhérentes aux choses manifestées et concevables
C'est pourquoi l'Imâm Alî – sur lui la paix – dit ensuite « ainsi j'ai reconnu, et j'ai su qu'Il était le Planificateur de ce qui est produit par le raisonnement (istidlal) et l'inspiration (ilham) de la même manière qu'Il inspira à Ses Anges de Lui obéir et de le Connaître en Lui-même sans assimilation (bi-lâ shabih) ni modalité (bi-lâ kayf) » ; Car c'est par son propre raisonnement et sa propre inspiration qu'il put témoigner des limites (hudûd) que Dieu fit de l'étendue (tûl) de Mohammad – que la paix et les prières de Dieu soient sur lui et les siens. Toute grandeur, toute étendue, quelle qu'elle soit, implique en effet nécessairement une certaine mesure à l'aune de laquelle cette grandeur ou cette étendue peut être mesurée, ou bien par le raisonnement, ou bien par voie d'inspiration.
Or, toute mesure implique une certaine limitation. De ce fait, en conférant à Mohammad – que la paix et les prières de Dieu soient sur lui et les siens – une certaine Forme, et en faisant de lui la Meilleure des Créations de Dieu (khayri l-khalqi-Llâh), Dieu Lui imposa par là même les limites qui devaient être les siennes. Sans cette limitation première, sans cette formation et cette distinction perçue par le raisonnement et par l'inspiration, il ne peut y avoir de manifestation de quoi que ce soit de concevable.
Toutefois, chaque chose concevable étant limitée : elle témoigne par sa propre limitation que son origine n'a pas de limite. Elle témoigne encore par sa propre assimilation aux autres choses contingentes et concevables que son origine n'est point assimilée aux autres choses, et qu'elle n'est point contingente, et n'est pas non-plus concevable par la voie du raisonnement ou de l'inspiration. Elle témoigne encore par sa propre différence d'avec les autres choses que la différence de son origine d'avec les autres choses n'est pas comme la distinction et la différence des choses entre elles.
Elle témoigne encore par sa propre unité (au sens numérique du terme) que l'unité de Dieu est autre que cette unité, et qu'elle transcende toute numération, toute distinction et toute limitation. C'est pourquoi l'Imâm – sur lui la paix – affirme que de la même manière que Dieu lui inspira de le reconnaître à travers Mohammad ; Il « inspira à Ses Anges de Lui obéir et de le Connaître en Lui-même sans assimilation (bi-lâ shabih) ni modalité (bi-lâ kayf) ». Toute connaissance de Dieu, même celle inspirée directement par Dieu aux Anges, est donc essentiellement négative.
Conclusion :
Ce n'est pas par Mohammad que Dieu est connu, mais plutôt c'est par Dieu qu'est reconnu Mohammad. C'est à travers la perception des limites inhérentes à la Forme de Mohammad, qui est pourtant la Meilleure des Créations de Dieu, qu'il est compris que c'est Dieu qui est l'Instaurateur et de la Forme aussi bien que du raisonnement et de l'inspiration qui permettent de déduire de la Forme qu'elle a un Formateur.
Il convient donc de nier l'assimilation (tashbîh) du Formateur à la Forme, cette dernière témoignant par ses propres limitations de sa différence d'avec Celui qui est tel qu'Il n'a point de limite ; Aussi bien qu'il faut nier tout propos concernant la modalité (kayf) par laquelle celui-ci est reconnu, puisqu'Il est Celui qui instaure le raisonnement et l'inspiration.
Nous conclurons ce commentaire par un hadîth rapporté par shaykh al-Kolayni – que Dieu illumine sa tombe – dans ses Ûsul al-Kâfi, vol. I, chap. 23, hadith n°10 (arabe ici) ; Il rapporte selon Burayd al-'Ijlî qui dit : « J'ai entendu Abû Ja'far [al-Bâqir], sur lui la paix, dire : Par nous [les Imâms d'Ahl al-Bayt] Dieu est adoré (binâ 'ubida-Llâh), par nous Dieu est connu (wa-binâ 'urifa-Llâh), par nous est unifié Dieu (wa-binâ wuhhada-Llâh), l'Exalté Très-Haut, et Mohammad est le Voile (Hijâb) de Dieu, l'Exalté Très-Haut. »
Référence :
Original en arabe :
- (4) Quatrième tradition :
حدثنا أبو الحسين محمد بن إبراهيم بن إسحاق الفارسي، قال: حدثنا أحمد بن محمد أبو سعيد النسوي، قال: حدثنا أبو نصر أحمد بن محمد بن عبد الله الصغدي بمرو قال: حدثنا محمد بن يعقوب بن الحكم العسكري وأخوه معاذ بن يعقوب قالا: حدثنا محمد بن سنان الحنظلي، قال: حدثنا عبد الله بن عاصم، قال: حدثنا عبد الرحمن بن قيس، عن أبي هاشم الرماني، عن زاذان، عن سلمان الفارسي في حديث طويل يذكر فيه قدوم الجاثليق المدينة مع مائة من النصارى وما سأل عنه أبا بكر فلم يجبه ثم أرشد إلى أمير المؤمنين علي بن أبي طالب عليه السلام فسأله عن مسائل فأجابه عنها، وكان فيما سأله أن قال له: أخبرني عرفت الله بمحمد أم عرفت محمدا بالله عز وجل؟ فقال علي بن أبي طالب عليه السلام: ما عرفت الله بمحمد صلى الله عليه وآله، و لكن عرفت محمدا بالله عز وجل حين خلقه وأحدث فيه الحدود من طول، وعرض، فعرفت أنه مدبر مصنوع باستدلال وإلهام منه وإرادة كما ألهم الملائكة طاعته و عرفهم نفسه بلا شبه ولا كيف . والحديث طويل أخذنا منه موضع الحاجة، وقد أخرجته بتمامه في آخر أجزاء كتاب النبوة.
ô Allah prie sur Mohammad et la famille de Mohammad, et hâte leur soulagement !
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